dimanche 18 novembre 2012

Eat Drink Man Woman

Eat Drink Man Woman revisite le repas de famille version taïwanaise.

Sihung Lung est le Chef cuisinier à la retraite du Grand Hôtel de Taipei. Veuf, il vit avec ses trois filles dans la maison familiale. La plus jeune travaille dans un fast-food afin de pouvoir financer ses études, la plus âgée est professeur de chimie et chrétienne très pratiquante et enfin la troisième est une femme d'affaire occupant un haut poste à responsabilité au sein d'une compagnie aérienne. Chacun des personnages est emprunt à des doutes sur la vie qu'il mène et les chemins qu'il doit prendre.

Tous les quatre se retrouvent chaque soir à la maison et partagent le dîner que le vieux Shu à préparer. L'expression "se mettre à table" prend alors tout son sens lorsque chacun en vient à se confier au sujet des doutes qui l'assaillent. La fervente chrétienne vit à moitié reclue dans la religion depuis une séparation douloureuse, la business woman travaille tellement qu'elle n'a le temps de vivre qu'une aventure adultère sans issue et la plus jeune s'interroge sur la frontière entre amour et amitié. Au milieu de ce trio, le vieux Shu - vieux, veuf et harcelé par une veuve aux dents longues -  semble un peu perdu.  

Le résultat est un film construit sur plusieurs histoires dont l'élément central est le repas et l'héritage culinaire. Chacun des personnages cherche à s'émanciper du cadre familial mais, emprunt à des doutes, ils retrouvent de la confiance en eux au travers des gestes élémentaires culinaires de leur père. 




dimanche 21 octobre 2012

Shields - Grizzly Bear

Les New-yorkais de Grizzly Bear nous reviennent avec un album bien léché. 

Veckatimest, leur quatrième et précédent album nous avait déjà mis une claque bien velue en travers de la tronche, avec des titres teintés d'une rudesse élégantes. Avec Shields, le quatuor de Brooklyn se fait plus intimiste avec une instru plus régulière et plus compacte.
Album à écouter plutôt en solo...

 

mardi 19 juin 2012

La Sorga - Naturellement bon

Avec le soleil qui s'installe et la chaleur qui commence à bien se faire ressentir, nous allons opter pour de bons petits vins naturels. A défaut d'éviter le coup de chaud, on s'épargnera au moins le mal de crâne. 

La Sorga est une cuvée produite par Anthony Tortul. Ancien œnologue et technicien viticole, voilà maintenant 4 ans que ce monsieur s'est installé à son compte dans le sud de la France. Basé au beau milieu du triangle Béziers-Pézénas-Agde dans l'Hérault, sa particularité est de vinifier du vin issu de vignes allant de l'Ariège jusqu'à Chateauneuf-du-Pape. Sur toute cette zone, Anthony Tortul a scrupuleusement choisi des vignes situées en coteaux et ayant un faible rendement. On laisse ici s'exprimer les cépages pour ce qu'ils sont en faisant fî des appellations. Ainsi on retrouve des cépages aussi variés mais tout de même caractéristiques du sud de la France: Carignan, Cinsault, Aramon, Grenache, Mauzac, Muscat...

Le résultat est surprenant mais surtout plaisant. La Sorga est l'une de ses entrées de gamme mais déjà on sent le travail et la logique de qualité qui émane derrière. Le nez est intense - peut être même légèrement trop chargé - sur des notes de fruits compotés. L'attaque en bouche est spontanée et plaisante. Le vin présente une bonne capacité d'ouverture tout en gardant une belle rondeur.
Un vin ultra plaisant qui peut accompagner un bon repas comme se boire librement à l'apéritif. Inutile de préciser qu'aucun produit œnologique n'est ajouté et les teneurs en sulfites sont ultra minimes (moins de 4mg par litre soit rien du tout au final). On le consomme tout de même avec modération mais surtout de bon cœur. Autour de 12 € 





lundi 11 juin 2012

American Psycho

Adapté du best-seller de Bret Easton Ellis, le film American Psycho, nous plonge dans l'artificialité de l'argent roi des années '80 à New York. A ce rythme, rien n'est trop beau ni assez cher pour le golden boy Patrick Bateman qui, sous ses airs de jeune cadre dynamique le jour, se révèle être un véritable psychopathe sanguinaire la nuit.

A sa sortie en 1991, le livre de Bret Easton Ellis a quelque peu bouleversé la prude Amérique par son caractère violent et pornographique. Ellis est considéré comme un auteur d'anticipation sociale voire de nihiliste. Sans exagérer ou tomber dans la caricature, on pourrait comparer son œuvre à un steak tartare ; cru et froid mais bien relevé. L'histoire, écrite à la première personne du singulier, relate la vie d'un jeune golden boy de Wall Street. Les faits se passent en 1987 peu de temps avant le crack boursier d'octobre 87 qui a vu alors le Dow Jones perdre plus de 22% en une séance. Une baisse vertigineuse que la Bourse américaine n'avait pas connu depuis le crack de 1929. Le protagoniste principal de ce livre est donc le yuppie type (Young Urban Professional - jeune cadre dynamique de l'époque) complètement blasé de la vie et qui ne trouve que son salut dans ses nuits sanglantes et meurtrières de psychopathe. Cette décennie des années 80 est sans doute celle qui a marqué l'avènement de l'argent-roi et qui a fini d'ériger les places financières en nouveaux milieux de décision de la gouvernance mondiale.

Dix ans après la sortie du livre, l'adaptation cinématographique est plutôt réussie et colle au style littéraire de Bret Easton Ellis. Un style épuré, direct et impactant. Porté à l'écran par Christian Bale (Batman The Dark Knight), le personnage de Patrick Bateman est à la fois impulsif et glacial. Le film met bien en avant l'importance des restaurants comme endroits où il faut être vu. Dans une ville comme New York, plus internationale qu'américaine, les restaurants gastronomiques représentent alors le must de la consommation de bon goût. Ils sont les véritables théâtres d'identification pour une catégorie sociale toujours plus demandeuse. Tout au long du film, les protagonistes comparent leur dîners, les restaurants qu'ils fréquentent, les endroits où il fait bon aller et ceux qu'il vaut mieux éviter. L'intérêt pour la cuisine existe-t-il vraiment ou s'agit-il simplement d'un moyen de justifier sa condition ? La première scène du film est révélatrice mais aussi caricaturale du côté artificiel des restaurants chics new yorkais des années '80.





Un peu plus loin dans le film, Patrick Bateman, amène sa maîtresse au restaurant. Cette dernière sous l'emprise de drogues pense être dans le célèbre restaurant Dorsia, celui-là où il est impossible d'obtenir une table. La jeune femme est invitée dans un tout autre restaurant. Bien que les drogues doivent faire leur effet, aurait-elle été vraiment capable de faire la différence tellement tous ces restaurants se ressemblent. Le livre de Bret Easton Ellis rend mieux compte de cette ressemblance entre les restaurants avec ses descriptions à rallonge qui reviennent de façon récurrente. 

 

vendredi 8 juin 2012

Du dosimètre à l'assiette

Cela aurait pu passer inaperçu voire anodin. Au Japon, là où une batterie d'appareils technologiques accompagne le quotidien, la dernière mode est celle d'effectuer ses courses équipé d'un appareil à mesurer le niveau de radioactivité : un dosimètre.


C'est un article paru dans le journal Libération du mardi 29 mai 2012 qui nous relate la nouvelle crainte alimentaire des Japonais, celle liée à la radioactivité des aliments. Depuis la catastrophe de la centrale nucléaire de Fukushima, un épais nuage de suspicion plane au dessus des produits de l'archipel nippone. Le gouvernement ainsi que des associations de consommateurs ont voulu prendre les devants face à cette situation à un tel point que leurs messages paraissent aujourd'hui inaudibles. La multiplication des préconisations et des actions en vue d'informer et de protéger les consommateurs a conduit à un imbroglio sanitaire. Les habitudes alimentaires s'en retrouvent toute chamboulées. On ne fait plus ses courses de la même façon et les sorties au restaurant sont de plus en plus limitées. Le consommateur cherche à maîtriser au maximum son alimentation et à ne rien laisser au hasard. Après la catastrophe, qui a frappé le pays en mars 2011, on a pu voir même en France des affiches à l'entrée des sushis bars justifiant que leurs produits ne venaient pas du Japon. Un effet pervers qui du même coup entame le mythe du restaurant et le caractère exotique de ses produits.

La priorité des Japonais est celle de préserver au maximum les enfants. Les parents redoublent d'efforts afin de pouvoir apporter une alimentation la moins riche possible en becquerels, l'unité de mesure de la radioactivité. Au départ situé à un niveau de 500 becquerels, les autorités nippones ont abaissé ce taux d'acceptabilité à 100 becquerels voire 50 becquerels pour la nourriture des enfants depuis le 1er avril dernier. Le risque de l'ingestion d'aliment présentant une radioactivité significative est de développer des maladies immunitaires et cardiaques ainsi que certains cancers, rapporte Roland Desbordes, président de l'association française Criiad (Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité). Les aliments pouvant présenter les plus forts taux de radiation sont les pousses de bambous, les épinard et les herbes aromatiques. Les algues peuvent être aussi hautement radioactives. Toutefois le quotidien Libération nous rapporte qu'aucun contrôle n'est effectué sur le marché de Tsukji, le plus grand espace de ventes de produits de la mer au monde. Une situation qui n'est pas sans rajouter à l'inquiétude des consommateurs japonais quand on sait que les produits de la mer constitue avec le riz la base de l'alimentation locale.  

Les autorités locales cherchent peut-être à endiguer une tendance qui pourrait voir un pan de l'économie nationale s'effondrer. Les habitudes alimentaires des Japonais pourraient continuer à s'ouvrir au monde extérieur alors que le Japon est déjà le premier importateur mondial de denrées alimentaires. Les petites exploitations, qui composent majoritairement le secteur agricole local, pourraient être sérieusement touchées.   

mardi 29 mai 2012

Sauté de crevettes façon Murakami

Dans le second tome de son dernier ouvrage, 1Q84, Haruki Murakami nous gratifie d'une recette de sauté de crevettes dans lequel il utilise un produit typique du Japon, des edamamé. L'un des héros du roman, Tengo, alors perdu dans ses pensées fait quelques courses avant de nous préparer ce sauté. Extraits choisis.

" Il achetait des haricots de soja en branche, des edamamé, au supermarché; quand il repensa justement à Aomamé. Alors qu'il était occupé à choisir les haricots, la pensée d'Aomamé revint en lui avec un naturel étonnant. Et puis il resta là, immobile, complètement absorbé dans sa rêverie, une botte d'edamamé à la main. Combien de temps dura cet état, Tengo n'aurait su le dire. "excusez-moi." Une voix de femme le fit revenir à lui. Avec sa haute taille, il barrait le passage au rayon des haricots de soja.
Tengo cessa ses remémorations, il s'excusa auprès de la femme, il déposa sa botte de haricots dans le panier et se dirigea vers la caisse avec d'autres achats, des crevettes, du lait, du tofu, une laitue et des crackers. Puis, au milieu des ménagères, il attendit son tour pour payer. [...]

Alors que Tengo en était à ce stade de ses réflexions, la caissière s'empara de son panier. 

Son sac en papier dans les bras, il rentra chez lui. Puis il se changea, enfila un short, sortit une canette de bière du réfrigérateur, et la but debout. Il mit de l'eau à chauffer dans une grande casserole, et, en attendant qu'elle frémisse, il ébrancha les haricots de soja, puis les saupoudra de sel sur la planche à découper, bien uniformément. Il les plongea ensuite dans l'eau bouillante.[...]
Tengo éminça finement une bonne quantité de gingembre. Puis il coupa du céleri et des champignons en julienne, hacha menu de la coriandre. Il décortiqua les crevettes et les rinça à l'eau du robinet. Il les étala sur du papier absorbant, les ordonna soigneusement , l'une à côté de l'autre, comme une rangée de soldats. Une fois les haricots de soja cuits, il les sortit de la casserole, les mit dans une passoire et les laissa refroidir. Après quoi il mit sur le feu une grosse poêle à frire , y versa de l'huile de sésame blanc qu'il répartit uniformément et y fit revenir le gingembre émincé à feu doux. [...]
Il mit le céleri et les champignons dans la poêle, monta le gaz au maximum et mélangea le tout à l'aide d'une spatule en bambou, en agitant légèrement la poêle. Il assaisonna sa préparation d'un peu de sel et de poivre. Quand les légumes commencèrent à s'attendrir, il ajouta les crevettes égouttées. il remit encore du sel et du poivre puis versa un petit verre de saké. il ajouta rapidement de la sauce soja et enfin parsema le tout de coriandre.
Toutes ces opérations, Tengo les accomplit sans en avoir vraiment conscience. Il ne réfléchissait pratiquement pas à ce qu'il faisait sur le moment, comme un avion manœuvré en "pilotage automatique". Ce n'était de toute façon pas une cuisine complexe. Ses mains s'activaient d'elles-mêmes avec précision, mais ses pensées étaient entièrement tournées vers Aomamé. 
Lorsque les légumes et les crevettes sautés furent cuits, il les transféra dans une grande assiette. il sortit une nouvelle bière du réfrigérateur, s'installa à la table, et commença à manger son plat fumant, complètement absorbé par ses réflexions."


Edamamé (source Wikipedia)
Pour résumer :
  • du gingembre (émincé finement)
  • du céleri et des champignons(en julienne)
  • des edamamé (à cuire préalablement)
  • des crevettes
  • de la coriandre (hachée)
  • de l'huile de sésame blanc (pour faire revenir)
  • du saké (pour déglacer)
  • un peu de sauce soja (pour mouiller et faire réduire) 


1Q84 Livre 2 - Haruki Murakami


éd. Belfond 2011


samedi 26 mai 2012

Coteaux-du-Vendômois - Patrice Colin

Voici une nouvelle occasion de découvrir une petite appellation en Val de Loire, celle du Coteaux-de-Vendômois. Située dans le département du Loir-et-Cher, l'appellation s'étend sur une superficie de 152 hectares entre les communes de Vendôme et Montoir. C'est une appellation qui bénéficie de l'AOC (Appellation d'Origine Contrôlée) depuis 2001 seulement. A noter la présence d'un cépage caractéristique de la région : le pineau d'Aunis. Ce cépage donne exclusivement des vins rouges. 

Nous aurons l'occasion d'y revenir mais pour l'heure intéressons nous à la production de Patrice Colin qui nous gratifie d'un magnifique vin blanc issu du cépage chenin. Nous sommes sur un sol d'argile à silex donnant des vins à la robe or clair. Au nez, ce vin présente des senteurs de fleurs blanches pouvant évoquer légèrement le chèvrefeuille des haies et le miel. En bouche les saveurs viennent confirmer les senteurs avec une certaine rondeur et une belle persistance. Un vin sec que l'on peut trouver autour de 7€.



mercredi 23 mai 2012

Carema

Il aura fallu traverser l'Atlantique pour découvrir ce magnifique vin transalpin. Carema est une appellation DOC (Denominazione di Origine Controllata - équivalence italienne de l'Appellation d'Origine Contrôlée française) de la région du Piémont au nord ouest de la péninsule.

Situé sur des parcelles en terrasses sur la rive droite de la Doire Baltée à une altitude oscillant entre 300 et 700 mètres, les pieds de Nebbiolo, l'unique cépage utilisé, plongent dans des sols calcaires et marneux. Des sols un peu similaires à ceux que l'on peut trouver en Côte de Nuits dans la région française de la Bourgogne. La robe du Carema rappelle d'ailleurs celle de certains pinot noir de Bourgogne ; une robe plutôt claire (mais toutefois beaucoup moins qu'un Côte de Nuits), de couleur grenat pouvant tirer sur des notes orangées.

En bouche, l'attaque est vive, laissant apparaître une acidité bien maîtrisée, sur des notes de baies. La fin de bouche est persistante avec un bonne ampleur et des notes de sous-bois. A noter que le cahier des charges du Carema prévoit un vieillissement minimum de 3 ans dont 24 mois passés en fûts de chêne ou de châtaigner. De plus sur les 120 hectares pouvant bénéficier de l'appellation, seuls 13 hectares sont en production. Une raison de plus de se jeter sur vin. Encore faut-il avoir l'occasion de le trouver...


mercredi 16 mai 2012

L’Amérique ou le « terroirisme » ordinaire


A l’heure où toute la Nation américaine prend réellement la mesure de son problème d’obésité, les restaurants étiquetés bio et locavores fleurissent à travers tout le pays. Il s’agit d’un luxe qu’encore beaucoup de personnes ne peuvent s’offrir mais c’est aussi la volonté d’un pays d’aller à la rencontre de son terroir.


Lundi 14 mai et mardi 15 mai dernier, la chaîne américaine HBO, plutôt habituée aux séries telles que Sex in the City, a diffusé un documentaire en quatre parties intitulé The Weight of the Nation (« Le poids de la Nation »). Le sous titre de ce documentaire est clairement évocateur de la situation sanitaire dans laquelle se trouve les Etats-Unis,  «To win, we have to lose » («pour gagner, nous devons perdre »). Plus d’un américain sur trois serait en situation d’obésité. Les enfants seraient de plus en plus durement touchés au point que les professionnels de santé envisageraient que cette génération puisse être la première à connaître une espérance de vie plus courte que celle de leurs parents. La lutte contre l’obésité est l’un des chevaux de bataille de Michelle Obama, la femme du Président américain Barack Obama. Depuis quatre ans que le couple occupe la Maison Blanche, Michelle a multiplié les interventions télévisées pour promouvoir le sport comme moyen de lutter contre l’obésité infantile. Cette pandémie est l’un des pires désastres sanitaires outre atlantique. Selon une étude réalisée par l’Université Duke de Caroline du Nord, le coût médical des évolutions de l’obésité sur les vingt prochaines années pourraient s’élever à 550 milliards de dollars.


Sur le Vieux Continent c’est à peu près l’image que l’on se fait de l’Amérique et de sa prétendue mal bouffe. Des fast-food à tous les coins de rue, une culture gastronomique absente et un dédain pour la « vraie » cuisine. L’Etat de Californie est en passe de voter une loi interdisant la vente de foie gras à partir du 1er juillet prochain. Cette mesure a déjà été prise par la ville de Chicago en 2006. Comme au temps de la Prohibition avec l’alcool, cette mesure eut pour conséquence la vente de foie gras sous le manteau. Et comme pour l’alcool au temps de la Prohibition, le foie gras n’a jamais connu autant de succès. Voilà près de quinze ans qu’a commencé le bras de fer économique entre les Etats-Unis d’Amérique et l’Union Européenne sur l’exportation des produits alimentaires. Face au refus de l’Union d’ouvrir son marché au bœuf américain traité aux hormones, les Américains décidèrent de surtaxer certains produits européens comme le foie gras, la moutarde ou le roquefort ce qui valut alors l’explosion médiatique du militant et porte parole de la Confédération Paysanne, José Bové. Devenu le symbole de la lutte paysanne et figure du mouvement altermondialiste, José Bové représente pour beaucoup la lutte contre la mondialisation et « l’américanisation » du goût par son célèbre démontage du McDonald de Millau. Or bien souvent l’amalgame est fait entre lutte d’intérêt économique et véritable culture du goût. Le véritable combat de José Bové ne se fait pas contre l’Amérique en tant que telle mais contre les mesures, directives et réglementations qui cloisonnent et limitent l’exportation des produits agricoles français ou européens. La posture médiatique dans laquelle a été placé ce combat a pu renforcer l’image d’une Amérique dénuée de production agricole locale et à échelle humaine. 


On trouve pourtant sur le territoire américain une multitude d’acteurs du monde agricole qui agissent pour une production locale et durable. Les scandales alimentaires des années ‘80 et ‘90 ont vu émerger une nouvelle catégorie de consommateur, celle des défenseurs d’une alimentation saine. Ce mouvement est indépendant et hétéroclite. Il n’est pas fédéré autour d’une association nationale, il est composé de groupements locaux. La ville de New York est l’un des symboles de ce mouvement émergent. Au sein de la mégalopole, on a vu émerger depuis quelques années des jardins et serres agricoles en pleine ville. Certains boroughs comme Brooklyn ou Long Island ont été le théâtre d’un engouement pour une production agricole locale. La physionomie de ces quartiers composés de maisons avec jardins, d’espaces encore vierges de construction ou à l’abandon a permis cet essor. Même le toit des vieux immeubles industriels sont reconvertis en potager dont la production est vendues aux restaurants du voisinage. L’un d’entre eux est l’Eagle Street Rooftop situé au cœur de Brooklyn et dont toutes les informations sont disponibles sur leur site : http://rooftopfarms.org/

Source : site  rooftopfarms.org


A l’image de ces initiatives locales, certains restaurants de New York se tournent vers une cuisine locavore, comprenez une cuisine dont les ingrédients sont issus d’une zone de production n’excédant pas quelques kilomètres du lieu de consommation (cette distance n’est pas fixe et va généralement de 100 à 250 kilomètres suivant les zones). Le restaurant Il Buco situé dans East Village sur l’île de Manhattan à New York fait partie de l’un de ces restaurants. Sa carte n’est pas exclusivement locavore mais elle a le mérite de présenter des produits issus d’une production agricole durable. A titre d’exemple on retiendra comme plat les joues de lotte de Montauk juste saisies, huile de pavot et huile d’olive au citron de Sorrente et jeunes pousses de roquette sauvage. Montauk se situe à l’extrême ouest de l’île de Long Island. Ce poisson est issu d’une pêche durable fournie par Sea2table, un réseau de petits pêcheurs locaux à travers l’Amérique (www.sea2table.com). Cette cuisine a forcément un prix qui n’est pas à la portée de toutes les bourses. Pour un plat comme celui-ci, il faut compter environ 16 US$.

 Ces différents exemples montrent qu’au pays du hamburger, il existe une forme de terroir auquel les américains sont attachés. Le mouvement d’une agriculture locale et durable est né en marge de l’engouement des américains pour les produits alimentaires issus de l’agriculture biologique. En effet beaucoup de distributeurs comme le leader mondial Wal-Mart proposent ce type de produits. Whole Foods est une chaîne spécialisée dans la vente de produits alimentaires bio qui comptent 300 enseignes à travers le pays. Cette frénésie de la demande entraîne une certaine mutation vers une agriculture intensive bio et renvoie donc à la question des limites du bio dans la grande distribution.

mardi 1 mai 2012

Blanc d'essai

Deux vins de haute volée pour sortir des tristes Viognier et Macôn. 

D'une pierre deux coups pour parler de très bons vins blancs qui feront notre bonheur en ce printemps où le soleil ne devrait plus tarder à nous surprendre (du moins on l'espère). Le vin blanc a longtemps subi une mauvaise presse. Catalogué comme un vin de soif (et donc de peu de vertu) par les uns ou synonyme de mal de crâne pour les autres, le vin blanc revient en avant grâce notamment à des producteurs méticuleux et soucieux de redonner ses lettres de noblesses à un breuvage qui le mérite. A noter également que la préférence des marchés anglo-saxons pour le vin blanc (en raison la clientèle féminine notamment) a poussée les producteurs à soigner leur production. En effet pour un marché novice comme a pu l'être le Nouveau Monde à une époque et comme est en train de le devenir la Chine, l'apprentissage des goûts du vin passe souvent par les blancs. Une approche sans doute favorisée par des goûts plus doux. 

A l'heure où les milliardaires chinois siphonnent les Grands Crus bordelais, intéressons nous à ces producteurs qui ont choisi de produire simple et sain. Des producteurs qui restent encore absent des radars chinois, et on ne s'en plaindra pas. On commence avec Jean François Chéné et son "Panier de fruits". Ce producteur, situé à Beaulieu sur Layon (environ 25 km au sud d'Angers), nous propose un Anjou sec doté d'une belle robe couleur miel. Son nez est très expressif. S'agissant d'un vin produit sans ajout de sulfites, on sent une légère oxydation. C'est un vin qui supportera très bien d'être mis en carafe pour une consommation immédiate ou qui supportera d'être ouvert trois ou quatre heures avant d'être bu. Le premier nez amène des arôme de pommes avec une belle intensité. En bouche, une acidité présente et bien maîtrisée répond à des saveurs complexes de végétales, allant de la poire, à l'amande et pouvant pousser jusqu'à des notes de plantes telle l'armoise. Un très beau et très bon vin de Loire que l'on trouve entre 11 et 13€.




















On part ensuite à Saint Julien dans le Beaujolais à la rencontre de Xavier Bénier. Ce jeune viticulteur a repris le domaine familial d'environ 5 hectares sur lesquels sont uniquement plantés des pieds de Gamay d'environ une soixantaine d'années. Grâce à des sols limoneux et schisteux, Xavier nous propose un blanc tout en rondeur avec une robe claire. Ce que l'on aime dans ce vin ce sont les notes de fruits blancs relevées par une pointe de "minéralité". Dans la foulée, on ne se prive de présenter ce vin "XB" pour Xavier Bénier en rouge. Un vin là aussi très bien fait et qui pourrait réconcilier les médiants avec les vins de Beaujolais. Compter 7 à 10 € par bouteille.

samedi 31 mars 2012

L'Ourson qui boit

A quelque pas de l’adresse emblématique de la Mère Brazier, le chef nippon Akira Nishigaki régale ses convives avec une cuisine simple mais inventive.

Cela fait plaisir de retourner dans un restaurant qui connaît un franc succès et de voir que les choses ne changent pas. A commencer par le prix unique de son menu, 25 euros le soir pour un entrée-plat-dessert dont beaucoup ferait bien de s’inspirer. La rançon du succès est là, avec un délai de deux semaines pour avoir une table alors que deux ans auparavant on pouvait s’y pointer le soir même en sifflotant gaiement (en semaine évidemment). Grand mur blanc, plafond en nuage et ciel peints, musique planante, le cadre est tout à fait approprier pour passer une bonne soirée.
Ça commence bien avec la mise en bouche, chair de morue en quenelle recouvert d’une crème de cresson parfaitement maîtrisée. Belle complémentarité entre le côté salé du poisson, la légère amertume apportée par le cresson et les amandes effilées et torréfiées. On se demande alors comment se fait-il que l’on trouve la mise en bouche meilleure que le reste du repas ?     
En entrée, on optera pour le saumon et saint jacques façon mille-feuilles avec pomme et aubergine, purée de fraise relevée au vinaigre balsamique et agrémenté de jeunes pousses de roquettes.
Il n’est pas commun de trouver de la féra à la carte des restaurants, donc on se laisse tenter par ses filets, sa crème de châtaigne à la truffe provençale, jeunes pousses d’épinards et pommes. La féra est un poisson d’eau douce que l’on trouve principalement en Rhône-Alpes et notamment dans le lac Léman. D’une chaire blanche assez fine, ce poisson se rapproche de la truite.
On fait l’impasse sur le fromage pour se consacrer à la crêpe au chocolat roulée avec mousse de menthe et mousse de framboise, et sa boule de glace chocolat (maison, of course). On arrose le tout d’un pot de chablis et on en ressort ravi. Les portions peuvent sembler petites pour certains mais le tout est tellement bien travaillé que cela suffit à nous satisfaire.
Le restaurant vient d’être désigner Bib Gourmand par le Guide Michelin qui attribue cette distinction aux bonnes tables à moins de 29 euros. En espérant que le succès et le flot des badauds ne dénatureront pas l’esprit de cette très bonne table lyonnaise.


 

L'Ourson qui boit
23 rue Royale
69001 Lyon
Tél : 04.78.27.23.37